"L'expérience esthétique est amputée de sa fonction sociale primaire précisément si la relation du public à l'oeuvre d'art reste enfermée dans le cercle vicieux que renvoie de l'expérience de l'oeuvre à l'expérience de soi en inversement, et si elle ne s'ouvre pas sur cette expérience de l'autre qui s'accomplit depuis toujours, dans l'expérience artistique, au niveau de l'identification esthétique spontanée qui touche, qui bouleverse, qui fait admirer, pleurer ou rire par sympathie, et que seul le snobisme peut considérer comme vulgaire.
C'est précisément dans ces phénomènes d'identification, et non au stade ultérieur d'une réflexivité esthétique affranchie d'eux, que l'art transmet des normes d'action - et cela d'une manière qui ménage à l'homme une marge de liberté entre l'impératif des prescriptions juridiques et la contrainte socialisante insensiblement excercée pas les institutions."
Hans Robert Jauss, "Petite apologie de l'expérience esthétique", in Pour une esthétique de la réception, trad. Claude Maillard, Paris: Gallimard, 1998, pp. 161-162.
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